La tendance croissante des fonds d’investissement à acquérir des centres dentaires, des laboratoires ou des cabinets de radiologie inquiète grandement l’Ordre des médecins. Pour éviter les abus des financiers, qui privilégient la rentabilité plutôt que la santé, le Cnom appelle les autorités à légiférer.
Exclure les fonds d’investissement du capital
Le 10 avril 2024, le Conseil national de l’Ordre des médecins a publié un communiqué de presse demandant une législation pour lutter contre la financiarisation des cabinets médicaux, individuels ou collectifs, en excluant les fonds d’investissement du capital.
Cette décision est motivée par l’influence croissante des fonds financiers sur le système de santé français, déjà mentionnée par l’Assurance maladie en juillet 2023. Dans son rapport, elle abordait la financiarisation de la santé comme « une tendance de fond qu’il vaut mieux comprendre et réguler ».
Un cadre législatif qui « ne prévient pas les abus »
Le Cnom souligne que, selon la législation actuelle, « une société d’exercice libéral (SEL) doit être détenue et dirigée par des associés qui y exercent ». De ce fait, « elle ne peut pas inclure la présence de tiers non professionnels, sauf si un décret le prévoit ». Il ajoute qu' »il y a trente ans, il a été décidé d’autoriser l’ouverture du capital de la société dans une limite de 25 % ».
L’Ordre des médecins regrette que « cette limite ne prévienne pas les abus actuels » et dénonce l’ingérence financière des investisseurs qui compromet la mission de santé publique, met en danger l’indépendance des praticiens et la qualité des soins.
Une mesure rétroactive
Afin de lutter contre le processus de financiarisation de la santé et face à « la complexité et l’opacité des montages proposés », l’Ordre des médecins demande au législateur d’interdire « la participation de tiers non professionnels dans les SEL médicales, et que cette mesure soit rétroactive ».
Le Cnom considère que « le Parlement et le Gouvernement doivent agir très rapidement avant que ce phénomène, qui prend de l’ampleur, ne devienne irréversible ».
En outre, il s’est prononcé en faveur d’une « interdiction pour toute personne physique ou morale n’exerçant pas directement ou indirectement au sein d’une SEL médicale de détenir plus de la moitié de son capital social ». Cette mesure devra « être inscrite dans la loi » afin de « contrecarrer les abus de la financiarisation ».
Lors d’un débat organisé par le Conseil national de l’Ordre des médecins, l’économiste Frédéric Bizard a rappelé que la financiarisation avait d’abord ciblé les Ehpad dans les années 2000. Cependant, par la suite, « cela avait échappé au contrôle de l’État pour aboutir à la maltraitance des personnes ».