La profession dentaire a connu de nombreuses évolutions majeures au fil du temps, qu’il s’agisse de progrès techniques comme l’implantologie orale ou de développements conceptuels tels que la transition numérique. Actuellement, une nouvelle révolution est en cours, visant à améliorer et à fiabiliser davantage notre pratique. Si l’erreur est humaine, il est temps de faire place à l’intelligence artificielle (IA).
Empreinte optique et diagnostic
Les détenteurs d’une caméra intraorale savent qu’il est possible de tracer les limites prothétiques. La société 3Shape va encore plus loin en proposant un tracé réalisé par l’IA. Cela n’est possible que parce que la machine apprend à distinguer la frontière entre la dent et la gencive. Comme vous pouvez l’imaginer, si l’IA peut reconnaître ce qui est physiologique, elle devrait également être capable de reconnaître ce qui est pathologique. Ainsi, la société danoise a combiné un système de fluorescence et de transillumination avec des algorithmes pour détecter les caries.
Imagerie médico-dentaire
Une application récurrente de l’IA dans le domaine de la santé est l’imagerie médicale. Qu’il s’agisse de photographie, de radiologie ou d’échographie, ces images fournissent une grande quantité d’informations, arrivant rapidement et sous diverses formes. On parle alors de Big Data. Heureusement, l’IA est particulièrement adaptée pour traiter ce type de contenu et pour en tirer des analyses exhaustives. En dentisterie, il est possible de faire analyser une radiographie pour détecter une lésion, identifier un implant ou repérer une structure anatomique. La société finlandaise Planmeca a même réussi à entraîner l’IA à localiser le canal mandibulaire sur un CBCT.
Si la radiographie panoramique fournit une image en 2D, facile à analyser par une IA, le CBCT représente un véritable défi car il est en 3D. Le Dr Bruno Guez estime que : « L’IA basée sur la pano est biaisée car c’est une radio déformée, une représentation en 2D d’un volume en 3D. Une poche paro sur la racine palatine de la 16 ne se voit pas à la pano. Combien de fois s’est-on retrouvé à traiter une lésion plus grande que ce que montrait la radio ? Le dentiste travaille sur des volumes en 3D pas des plans en 2D, le CBCT est l’imagerie de choix. Aujourd’hui, on peut fusionner les données du cone beam et de la caméra intraorale. Demain, l’IA pourra les exploiter et corréler un sillon coloré visible sur l’empreinte numérique avec une carie visible à la radio. »
Orthodontie
Connaissez-vous le terme « licorne » dans le contexte des start-ups ? Il désigne une entreprise qui atteint une valorisation inimaginable. C’est le cas de la société Dental Monitoring. Elle alimente l’IA avec une base d’images pour reconnaître des dents, visualiser des repères et contrôler le résultat. L’orthodontiste peut ainsi se connecter à distance pour suivre l’évolution thérapeutique du patient, qui utilise son smartphone pour créer le contenu. Entre les deux, l’IA analyse les images et informe le praticien de la situation clinique. Il suffisait d’y penser : mettre l’IA aux commandes.
Administratif
Grâce à leur capacité à traiter une grande quantité de données avec une faible probabilité d’erreur, l’IA est utilisée par les assurances. Aux États-Unis, le Center for Insurance Policy and Research l’utilise dans les démarches assurancielles : sinistres, souscription, mais aussi détection des fraudes. Dans le contexte actuel français, avec les scandales de fraudes à l’Assurance Maladie, il faut des ressources démesurées pour détecter les escroqueries. Il n’y a qu’un pas pour utiliser l’IA dans la lutte contre ces fraudes et faire cesser les préjudices financiers.
La révolution de l’IA se révèle être une révolution informatique comme une autre. Il nous appartient de nous l’approprier, ou pas. Certains vont exprimer d’emblée leur scepticisme, évoquant que la relation humaine est inaliénable. D’autres seront fascinés par le potentiel et exploreront les applications. Entre les deux, les praticiens décideront soit de la garder car elle est une révolution dans leur pratique, soit de s’en départir car ils en ont fait le tour. Espérons seulement que la planète dentaire ne va pas faire une révolution complète sur elle-même, et revenir au point de départ…